A peine eut-il pénétré dans l'appartement qu'une odeur immonde aux relents de pourriture lui fouetta les narines. Il hésita d'ailleurs à entrer tellement les effluves nauséabondes semblaient n'attendre qu'un pas de plus pour se jeter sur lui. Sortant un grand mouchoir de son long imperméable brun, il le posa sur son visage avant de s'avancer dans le couloir qui lui faisait face, enjambant les débris de la porte d'entrée. Il hêla un des agents qui sortait d'une des pièces, visiblement la salle de bain. Celui-ci semblait avoir pris les mêmes précautions pour sauvegarder ses voies respiratoires.
- Nom de dieu, c'est quoi qui pue à ce point ? lui lança-t-il en fronçant les sourcils.
- La victime... lui rétorqua l'interpellé, visiblement déjà bien mal à l'aise. C'doit bien faire une bonne semaine qu'il est là... Et c'est à cause de l'odeur qu'on a été prévenus... Il est au fond, dans le salon...
Prenant son courage à deux mains, l'inspecteur prit la direction indiquée, à deux doigts de tourner de l'oeil à chaque pas. Quand il entra dans la pièce à l'atmosphère irrespirable, il posa de suite son regard sur le cadavre jonchant le sol. Déjà dans un stade de décomposition avancée, certainement dû à la chaleur des journées de l'été copacajun, le corps était allongé sur le sol, à plat ventre. Le tapis en dessous semblait déjà s'être imbibé de certains de ses fluides corporels. De quoi lui faire passer l'envie de déjeuner...
- Bordel Doc... Pouvez pas vous couvrir ? Le commissariat vous fournit pas des masques pour le carnaval !
Penché sur le corps, l'interpellé, un homme d'une cinquantaine d'année aux petites lunettes rondes, releva la tête vers son interlocuteur, affichant un sourire amusé.
- Voyons Inspecteur... Il y a tellement des choses qui pourraient passer inaperçues avec ces choses que...
- Mouais, passez moi les détails... l'interrompit-il. Qu'est-ce qu'on a ?
Le légiste appuya sur quelques boutons de son ordinateur de poignet, faisant apparaitre quelques holo-écrans, l'un présentant visiblement un dossier alphanumérique, les autres quelques photos.
- Professeur Heshud Sancrra, 65 ans, domicilié à Copacabana depuis bientôt dix ans. Anciennement membre du corps enseignant du Katmandu Institut of Technology, dans la Confédération Highlander. Il vivait apparemment tranquillement de ses économies... Pas d'histoires, pas d'ennemis connus... Difficile de dire actuellement ce qui est la cause de sa mort, bien qu'au premier coup d'oeil j'opterai pour quelque chose de pointu, la, au niveau de la jugulaire... Un poinçon peut-être... ou un tournevis...
L'inspecteur l'écoutait débiter son explication comme s'il faisait un exposé sur quelque chose de totalement anodin, un ton désinvolte qui avait parfois le don de l'énerver.
- Enfin.. J'en saurais plus après l'avoir autopsié biensûr... Oh, avant que j'oublie, un détail somme toute assez étrange mais... On dirait que notre tueur semble avoir eu un intérêt quelconque pour les yeux de la victime... Il les lui a enlevé... ou plutôt, arraché...
"Encore une histoire de cinglé" pensa-t-il en réajustant le mouchoir devant sa bouche. Il commençait gentiment à s'acclimater, ce qui le dérangeait d'autant plus.
- Faites moi parvenir ton rapport dès que vous aurez toutes les infos...
- Biensûr ! Dès que j'aurai fini de converser avec lui ! lui répondit le légiste en tapottant doucement l'épaule de la victime.
Décidément, il y avait vraiment des jours où il regrettait de s'être levé...
Lun 10 Mar - 0:27