Louve [BG]

Janvier 2008 – Alpes Valaisannes

Si la recrudescence des attaques de loups sur les cheptels de moutons n’est due qu’en bonne partie à des chiens errants. Quelques cas sont effectivement d’origine lupine. Ces cas particuliers n’ont fait qu’alimenter la haine de l’homme envers son adversaire millénaire : le loup (Canis Lupus).

De tout temps, l’Homme a pourchassé l’animal, le chassant de son domaine jusqu’à sa quasi extermination, pour l’oublier et finalement le reléguer à la légende. Jusqu’à nos jours. Nous pourrions dire qu’il est néanmoins resté dans les mémoires communes tant est si bien qu’une forme de vénération, de culte ou d’attachements est née et avec, elle, la peur instillée dans l’âme de chacun. Nous pourrions également dire que chaque Homme a tendu à l’oublier, le cacher au plus profond de son âme. Par peur… de ce que le loup est mais aussi un rejet violent de sa propre nature.

Ne dit-on pas que L’Homme est un Loup pour l’Homme…

Sous ses aspects de civilisation construite par l’Homme, le monde garde ses aspects les plus sauvages. L’homme veille sur sa famille. Tout Homme ne peut vivre seul. Il cherchera par tout les moyens à s’unir à d’autres, à partager sa vie, ses joies, ses malheurs, à diriger ses semblables, les guider… Tout comme le loup pour sa meute.

Et pourtant nous refusons d’être ce que le sauvage nous dicte… nous le combattons, le détruisons à chaque instant, pour ainsi se libérer de cet appel et se joindre ensemble à une seule cause que l’on a créée : la civilisation.

Guerre, Pouvoir, Famine, Haine, Peur, Argent, Confort, Soumission…

Jusqu’à devenir les esclaves de nos propres créations… mais…

Il sommeille en chacun de nous…

* * *


Cela fait plusieurs mois que je le devine au fond de mon cœur. Depuis quatre semaines que nous pourchassons une louve dans nos forêts valaisannes. Nous sommes cinq à la poursuivre sans relâche, guider par la colère de voir nos biens détruits par cet animal sans pouvoir l’abattre. Elle a remis en cause notre sécurité, notre confort sans que nous ne puissions rien faire. Et de proie, elle est devenue notre prédateur… échos dus temps que j’avais cru révolus et oubliés… elle aurait dû mourir sous nos balles si souvent. Elle aurait dû finir en trophée… mais il n’en est rien. Et, désormais, la peur me noue le ventre et me fait trembler…

Serait-elle le spectre de notre passé… ? L’essence même du monde que nous avons cru modelé à notre convenance… ? Serait-elle l’âme vengeresse qui nous rappelle que nous ne sommes pas le prédateur mais la proie… ? Celle qui vient hurler à mon esprit… que… que le temps des Hommes touche à sa fin.

Elle a disparu depuis plusieurs jours… subitement… comme elle était arrivée dans ma vie… Je ne peux m’empêcher de trembler chaque nuit, dans ma maison, mon lit… il n’y a plus rien de rassurant autour de moi… elle a laissé sa marque sur moi…

La Peur...