Les Marches Allyzées [rencontre avec Khy]

Alors qu'Amila prépare son départ des Marches on lui annonce qu'un homme a réclamé son audience. Il dit être un ami de la Compagnie de N'Kar et que sa venue était attendue par la Dame d'Argent. La femme ayant annoncé le visiteur demande alors à Amila :

- Dois-je le faire entrer ?

Amila avait à faire dans l'urgence, et le temps était de plus en plus compté. Et la tension, désormais palpable partout, finissait par la contaminer elle-même...

Elle ne pensa pas de suite à qui cela pourrait être, mais elle le saurait vite.

- Faites le entrer dans mon bureau.

Faisant son entrée dans la pièce, un vieille homme borgne mais au regard vif et à la chevelure argentée avançant avec peine, soutenu par un bâton superbement ouvragé, s'approche de quelques mètres d'Amila avant de la saluer d'un mouvement de main jovial.

- Bien le bonjour Dame d'Argent. Navré d'arriver chez vous en ces temps de troubles, mais je suppose qu'il vaut mieux tard que jamais. J'ai eu l'avantage de rencontrer votre compagnie dans les terres de mon frère en Kali. Ils m'ont transmis le message que vous leur aviez fait parvenir et donc me voilà.

Amila portait une robe simple, et sur son visage pouvait se lire les traces d'une fatigue née de tracas qui allaient en s'amplifiant, tandis que les heures coulaient trop vite avant le moment où elle devrait mettre en route la seconde phase du plan imaginé par Jard et elle... ce plan où elle devait être déclarée morte.
Mais elle se força sans trop de difficultés à un sourire de politesse, présentant le meilleur siège de son bureau à son hôte, restant elle-même encore debout. Et elle baissa le torse, baissant un instant les yeux, dans un geste emprunt de respect.

- Ainsi donc, ma maison est bénie par la présence d'un Grand Dragon dans ses murs, Je suis honorée, seigneur-dragon Khy, d'un tel honneur. Il faudra que je remercie les miens de vous avoir passé le message qui me permet d'avoir la joie de votre visite.

Puis elle s'installa dans son fauteuil derrière son bureau, servant deux coupes de vin d'une carafe de cristal.

- J'espère qu'il sera à votre goût, il n'y a que cinq ans que nous avons pu tirer quelque chose des vignes de la région...

Khy s'installe tranquillement, à la manière d'un vieillard qui souffre de quelques problèmes de rhumatismes. Prenant le verre offert par Amila avec délicatesse, il le porte à son nez, humant le parfum du vin dans un instant de recueillement puis il ajoute après quelques secondes de silence durant lesquelles il avait semblé absent.

- Je vous en prie Dame Amila, le Seigneur Dragon est-il bien nécessaire? Appelez moi Khy, simplement.

Il lève alors son verre en direction de la Dame et finit par porter le breuvage à ses lèvres, dégustant le liquide rougeâtre avec délectation.

- Vous savez, l'âge ne fait pas la qualité de chaque chose, même si, il est clair que dans certains cas, il peut y contribuer.

Il repose alors le verre, fixant un instant la Voyageuse d'un sourire énigmatique.

- Il est délicieux... -finit-il par ajouter- Mais dites moi, Dame, pour quelle raison souhaitiez-vous ma présence en votre demeure ?

Amila gouta le vin de son coté, sans commentaire. C'est vrai que les cuvées s'améliorait beaucoup. Si elle était encore vivante et que ce royaume ne serait pas cendres dans dix ans, le vin finirait par être vraiment honorable.

- Je dois arrêter une guerre. Je pense, à mon avis, que vous savez sans mal tout ce que Jard et moi faisons pour nous préparer par tout les moyens soit à l'arrêter, soit à la contrer.
Et cette guerre sert des intérêts particuliers, mais dans ces intérêts, ce seront les hommes qui paieront le prix le plus cher. Je pense que vous vous sentez concernés, en tout cas je l'espère, sinon, je vous ai fais venir ici pour rien...

Khy avait écouté sans mot dire, les yeux posé sur son verre de vin, un air songeur habillant ses traits de vieil homme fatigué. Puis, en reprenant le verre à la main et après avoir fait tourner quelques instants le liquide rouge qui restait au fond du verre, il répondit finalement.

- Comment ne pas se sentir concerné alors que des innocents vont payer la folie de certains ? Je sais quelle position délicate vous occupez Madame... Je sais également que votre bonté à l'égard de votre peuple n'a d'égal que l'amour que vous portez à votre fille. Cependant, pensez-vous vraiment être en mesure d'arrêter cette guerre ? Vous n'êtes sans doute pas sans ignorer que beaucoup ont à y gagner ? Erudits et Protecteurs se sont réunis sous la bannière draconiste, agitant déjà au loin les torches qui allumeront les brasiers d'une guerre meurtrière. En ce sens, Ozyr, avec qui vous avez eu quelques problèmes dernièrement, et Brorne pensent bien mettre fin définitivement à cette gangrène qui ronge leurs royaumes. Si vous vous opposez à cette Croisade, vous gagnerez des alliés, certes, mais vous rendrez coupable du crime le plus évident aux yeux de ceux qui représentent la loi sur ces terres. Vous donnerez un second souffle aux accusations déjà bien graves, qui pèsent sur le dos de votre compagnie.

Khy reprit une gorgée de vin, inspira profondément et poursuivit.

- Je ne puis, par essence, pas prendre parti au conflit qui semble désormais inévitable. -Khy affiche un sourire quelque peu moqueur.- J'ai déjà fait part de mon désaccord quant à cette guerre à mon père ainsi qu'à certains de mes frères. J'ai trouvé des amis inattendus, mais également des ennemis. Certains ne sont pas exactement ce qu'ils semblent être. Baignés d'un halo de bonnes intentions, ils demeureront néanmoins dans les ombres de l'inaction. Simples spectateurs de ce qui promet être la plus mémorable des batailles jamais menée. Je ne sais pas exactement ce que le Prince et vous même manigancez, et je ne peux décemment pas vous demandez de me le confier. Je ne peux pas non plus vous promettre une aide que les lois m'empêchent de vous donner. En revanche, je puis vous confirmer certaines lignes de conduites inhérentes à la Caste. Mais cela, seulement si vous le souhaitez. Ces informations, dans une guerre qui est née d'un jeu de dupes, pourraient vous être utiles.

Amila avait écouté sans rien dire. Faux-semblants, et mensonges. Une évidence. Une déception aussi, mais acceptable, après tout, c'était la règle du jeu, et elle s'en remettrait.

- Vous m'avez donné un bon exemple. Je sacrifie les années heureuses de paix que j'eu pu passer avec ma fille, faisant d'elle un pion de l'échiquier de ce jeu de dupes, et je me prépare à sacrifier la confiance de mon peuple pour assurer sa survie.
Les Hommes sont vos enfants, vous les aimez comme tels, pas de différences entre mon amour, et le votre. Pas de différences non plus entre votre pragmatisme, et le mien. Vous savez qu'on ne peut pas sauver ceux que l'on aime sans sacrifier des choses que l'Histoire et notre morale ne nous pardonnera pas.
En fait, la seule différence est dans les formes. Vous êtes Seigneur Dragon... et donc vous ne devez pas vous mêler des affaires des hommes. Ceci est la forme, n'est-ce pas?

Mais qui de ces dragons se souvient de cette loi de neutralité?... et l'applique? C'est le même formalisme qui fait penser que je n'userai pas de Magie d'Ombre pour servir des intérêts nobles, car cet usage les pervertirait, ou qui fait penser que les plus grands Combattants n'useront jamais de l'arc... ou de l'arbalète. demandez à mon Maitre d'Armes ce qu'il en pense, quand la fin justifie les moyens?

Nous savons que dans ce jeu de dupes, les formes sont une autre duperie. C'est l'apparence que vous devez sauver, mon ami...

Elle appuya ces derniers mots d'un regard, qui signifiait ce qu'elle pensait vraiment de ces termes, laissant au seigneur -dragon toute latitude pour aller lire la vérité dans son âme.
Puis elle reprit une gorgée de vin, et reprit, pensive, regardant le liquide rouge couler, épais, au verre.

- Je vous propose de vous dire ce que j'entrevois, et ce que je sais, que vous ne sauriez pas encore... mais je doute que vous en sachiez moins que moi. Sauvons les apparences: je ne veux pas de l'aide de Khy. Je veux l'aide d'un être puissant concerné par les morts à venir, et de ce qu'il se pense en mesure de faire, fournir, et révéler sans que son nom ne soit impliqué. Quitte à trouver qui endossera les responsabilités et attirera sur lui les courroux.
Vous comprenez ce que je veux dire?...

Parce que quoi qu'il arrive, si cette guerre vient jusqu'ici, si elle doit venir détruire tout ce que mon peuple a fait pour être en paix, cette guerre paiera le prix le plus cher qu'i me sera possible de lui faire payer, dans le seul but que les buts de ceux qui mènent ce jeu soient rendus caduques par le simple prix qu'il leur aura failli payer.
Et avant d'en arriver à cela, il faut tout faire pour trouver une alternative...

Souriant tout d'abord, Khy avait fini par éclater d'un rire franc.

- On ne m'avait pas menti Dame Amila ! Vous êtes telle bien celle que l'on m'avait décrit. Bien ! Vous voulez mon aide ? Soit, je ferais ce que je peux pour vous l'apporter. Commençons tout d'abord par faire un petit tour d'horizon des différentes contrées impliquées.

Nésora tout d'abord, l'empire humaniste. Ni tout à fait blanc, ni tout à fait noir. Ils pensent pouvoir faire face à la menace draconiste et peut-être même, retourner le courant de la guerre. Il est clair qu'ils ne feront rien pour envenimer les choses, mais le coeur des hommes à souffert durant toutes ces années. Il réclame justice pour la perte d'êtres chers. Vous trouverez sans doute des alliés en Nésora.

Kern et Brorne, mon frère de pierre. Il a perdu, selon lui, ses lettres de noblesses alors que l'Inquisition oeuvrait en son nom. Lettres qu'il compte réhabiliter avec l'aide de notre soeur, la dame des océans. Ô, certes, il nourrit un haut but et préférerait sans nul doute trouver un compromis honorable plutôt que d'envoyer ses fidèles combattre dans une guerre qu'il sait difficile à gagner. Sa sagesse n'est plus à prouver, mais les humains ont, selon lui, dépasser les limites. Il se sent menacé... L'Equilibre de tout ce qu'il a mis en oeuvre est menacé. Et la présence d'Ozyr n'est pas sans le conforter dans cette peur.

Offoria et notre "bien aimée" Ozyr, Moryagorn me préserve de son courroux si d'avenir elle apprenait ce que je fais en ce moment. - Il sourit.- Rien de nouveau sous l'Océan si je puis dire. Ma soeur a perdu depuis longtemps l'objectif principal de sa caste. Répandre le savoir et non le juguler. Mais si son caractère est un défaut fondamental dans son comportement, elle a pourtant un esprit vif et une mémoire qui s'apparente plus aux pachydermes qu'au Carasssius auratus. Elle a retenu l'histoire et elle sait ce que je pourrais mettre en oeuvre pour ralentir SA croisade. Méfiez-vous d'elle. Elle vous causera plus de tord que Brorne et elle n'hésitera pas à donner une raison aux autres de s'en prendre à vous. Evitez à tous prix de lui donner du crédit.

Dungard et mon très estimé père ne devrait plus être un problème pour vous. En effet, après avoir appuyé la proposition que votre compagnie, en la personne de Caron, a fait aux artisans de la ville il a promis de réduire au maximum la production d'armes pour vous donner le répit nécessaire. Bien entendu, il ne peut décemment pas interrompre totalement celle-ci mais fera son possible pour orienter la caste en ce sens.

Kar et Kroryn... C'est ici que réside un vrai problème. Depuis que l'armée karienne a dû battre en retraite suite aux événements qui ont précédé ce désastre, la caste des combattants attend sa revanche. Bon nombre d'entre eux espèrent pouvoir graver leur nom dans l'histoire. Fougueux, impétueux, Kroryn cautionne cette guerre aux noms des idéaux draconistes. Tout comme un incendie, seul l'eau pourrait arrêter ce feu grandissant. Malheureusement pour nous, l'Océan est déchaîné sur d'autres rives en ce moment.

Onyr et Nenya, qu'elle fut douce la peine qu'éprouva la Chimère quand je lui proposai de prendre parti pour les humains. Ne vous trompez pas au sujet de ma soeur. Si le rêve est son domaine, elle possède tout de même une part sombre. Elle ne fera rien. Observant de loin ce qui s'apprête à se produire. Certes, elle semblera vouloir vous apporter son aide, mais il n'en sera rien. Croyez-moi ! Cette guerre arrange tout de même ses plans si vous y réfléchissez bien. Mais cela, c'est l'histoire qui nous l'apprends.

Quant à Kalimsshar, mon frère, mon ami... Dans son gouffre, il attend... Éminence grise, joueur invétéré. Pour lui, cette guerre est le moteur d'un changement radical qui doit s'opérer inévitablement. En héraut de la fatalité, il espère que cela arrive. Il ne fera rien pour empêcher cette guerre et profitera probablement des retombées pour affirmer un peu plus son dogme et sa présence sur les terres draconistes.

Il vide son verre et fixe Amila attendant une réaction de sa part.

Amila fixa le vieil homme qui dissimulait tant de puissance et de savoir, de ses yeux or et violets. Quel jeu fou et démentiel menait-elle, qui consistait à traiter avec les dragons eux-même, pour la troisième fois, dans le but, totalement démesuré, de trouver comment peser du même poids sur un échiquier dont les dimensions l'écrasaient...

- Ceci, ce sont les aspirations des dragons et des Hommes, mais j'entrevois que des pièces sont bougés autrement. Et dans ce jeu, vous êtes vous-même une pièce maitresse, la seule règle est que vous ne pouvez pas, pas plus que Zhyl ou Nenya, ou encore la dame de la nature, vous impliquer ouvertement.
Mais pourtant cela vous concerne tous.
Il y a deux autres forces qui sont hors de contrôle, des forces dont vous connaissez l'ampleur, je pense. L'une d'elles se sert de Sabasaris, car cette chose millénaire est un outil dans ce jeu, l'autre se sert des Etoiles, dont le pouvoir échappe au règne des Dragons.
Ce que je sais est une évidence: quelqu'un désire le déséquilibre. La Fin. J'aurais pu, aveugle, penser que tout ceci sert les desseins du Neuvième, mais dans ce jeu, il n'est pas une pièce, il est l'arbitre. Comme vous, n'est-ce pas?

Amila soupira, et acheva sa coupe de vin.

- Le sablier se vide, la guerre se lève de toutes parts, les armées se comptent déjà, les lieux où la guerre débutera, on peut déjà les deviner. Il y aura la Croisade, tandis qu'ailleurs, ce sont les Zhul dirigés par les forces d'une Ombre que je n'identifie pas qui lanceront leur propre Jihad. Et enfin, venant de Tenebrae quelque chose viendra à son tour semer les vents de la guerre sur tout le Sud. Dans ce drame à venir, les pièces majeurs, ce sont des Etoiles et leurs compagnies qui sont prises au piège de ce jeu, et une force ancienne née de nenya elle-même que l'on va déployer au bon endroit et au bon moment, quand trop de champs de batailles empêcheront tout moyen de se retourner à temps pour arrêter l'enfer sur Kor.

Quelque part, je sais que même un immortel, le dernier, que je sache, est concerné par ce qui se passe... mais alors que je vois bien l'échiquier, et que trouver quelles sont les pièces maitresses reste aisé, je ne comprend pas qui joue...

Amila prit le temps de remplir les coupes, et fixa encore le seigneur-dragon sous son visage de vieil homme.

- On prétend qu'on ne peut vous mentir. Vous devez savoir que d'une certaine manière, je connais des vérités devenus des brûlots qui provoqueraient plus encore de chaos, et accéléreraient encore plus la fin, et me tueraient, les miens et moi, à coup sûr.
Alors, vous avez sûrement conscience de ce que je suis prête à aller chercher à Nézora pour arrêter la Croisade sur mes terres, y compris les dragons qui voudront se mêler de cette guerre. J'y laisserai ma vie, mon royaume, ma paix, tout les miens si cela arrive. Nul ne me pardonnera. Même vous ne le pourriez pas.. Vous devez sauver les apparences.

Quelque part se trouve un moyen de poser la bonne pièce au bon endroit, de déséquilibrer cette partie là où il est évident que menée à son terme, ce sera la fin du visage de Kor, dans l'horreur du Cauchemar. Car c'est bien ce qui se passera.

Vous n'avez pas le droit d'agir. Aucun dragon n'en a en théorie le droit. Mais ce sont les dragons qui à un moment ou à un autre seront à leur tour les victimes. Quand vous aurez toute latitude d'agir, il sera trop tard pour les Hommes en paix. Que Sabararis se réveille, et cette folie vous mettra tous en position de devoir intervenir, mais entre temps, les morts seront légions. Il sera trop tard pour nous... trop tard pour vos enfants, trop tard... pour votre futur...

Qu'est-ce que je ne sais pas et que je dois savoir?! Qu'est-ce que je ne prépare pas à faire et qui doit être fait? Qu'estce-que nous nous préparons à faire et qui ne doit pas avoir lieu? Qu'est-ce que notre sagesse d'Hommes ne nous permets pas de voir, et que vous, vous voyez?

Amila s'interrompit, et reprit une grande inspiration, le regard grave.

- Khy, que dois-je faire pour agir à votre place là où vous ne le pouvez pas, que dois aller chercher ou trouver, qu'est-ce qui m'échappe?

Confortablement installé sur son siège, Khy inclina la tête, comme pour chercher un moyen de voir Amila sous un autre angle. Le sourire toujours aux lèvres, il resta un moment silencieux, songeant probablement à tout ce que venait de lui dire la Voyageuse. Il ferme alors les yeux, accentuant son sourire malicieux. Les yeux toujours clos, il reprend alors.

- Il se passe, en effet, des événements bien funestes partout en Kor. Votre clairvoyance pourrait être un atout dans ce jeu d'échec que certaines puissances se livrent. Une clairvoyance telle que vous apportez une nouvelle pièce sur l'échiquier que j'entrevois. Cabarsharis... Un nom qui ne m'est pas tout à fait étranger, mais qui suscite en moi une certaines curiosité. Qu'est-ce que ce fléau vient faire dans notre jeu ?

Quant aux étoiles... Qu'entendez-vous par là ? Avez-vous eu à faire à certains astronomes qui vous auraient parlé de leur étranges croyances ? Ce que je sais pour sûr Madame, c'est qu'il y a bien une force qui se considère tout du moins comme supérieure et qui semble à l'oeuvre ici. Je ne sais si l'on peut parler de croyances païennes ou de mystères qui dépasseraient les grands dragons. A mon humble avis, ce n'est l'oeuvre que de certaines personnes très bien placées.

Vous m'avez demandé ce que vous pouviez faire pour stopper cette Croisade... Vous ne pouvez pas. Pas dans l'immédiat tout du moins. Cette guerre est un fleuve. On n'arrête jamais le cours de l'eau, mais en revanche... on peut le détourner et le séparer. Tenter de faire rempart à la coalition de trois de mes frères est pure folie. Même pour moi. Ils ont soif d'une guerre qu'ils attendent depuis des années. Et cette guerre aura lieu ici, ou ailleurs. Il vous appartient de discerner le plus justement possible qu'elle raison pourrait faire en sorte que la Croisade revoit ses plans et juge avoir d'autres chats à fouetter. La seule question essentielle, Dame Amila, est de savoir qui seriez-vous prête à sacrifier pour voir vos contrées et l'Empire humanistes sauvés. Et ne vous méprenez pas, je ne parle en aucun cas de choisir quels morts vous préféreriez, mais sur quel terrain cette armée aura le moins de chance d'entraîner mort et destruction dans son sillage. Car si ces fanatiques oeuvrent pour un idéal, ils sont prêts à mourir pour cette cause. On ne peut donc pas les sauver.

Il existe des terres nettement moins accueillantes que celles des Marches Allyzées pour tenir un siège. La Forêt mère, le Royaume de Kali ou le désert Zûl par exemple. Des terres qui nécessitent une infrastructure réglée au millimètre prêt pour que l'armée ait une chance d'arriver à ses buts. Ce qui vous laisserait le temps nécessaire pour parvenir à jouer le coup qui dispersera une fois pour toute la Croisade. Ce coup, je vous en offre une partie. Vous l'avez déjà eu en main. Ce livre qu'Ozyr garde jalousement, je puis faire en sorte de vous donner une nouvelle fois l'occasion de l'obtenir. Pas dans l'immédiat certes, car il faut avant tout que ma soeur détourne le regard. Mais une fois cela fait, je vous offrirai l'occasion de reprendre l'original sur un plateau d'argent. Et ce, sans qu'elle ne puisse douter de votre innocence puisque je me porterai en alibi pour vous. Ce livre, porté à la connaissance unique des dirigeants de la Croisade, finira de provoquer la scission en leur sein, dispersant celle-ci. Il retournera alors dans l'oubli, là où réside sa juste place.

Mais pour l'heure, ce qui importe, c'est de gagner encore un peu de temps pour trouver une nouvelle cible à ces fous.

Khy ouvre à nouveau les yeux, fixant Amila, de son oeil unique, son sourire n'étant, à présent, qu'un souvenir. Son visage reflète la gravité de ses propos et l'aspect risqué du plan qu'il vient de proposer à la Dame.