[RP] Dans la bibliothèque avec Soeur Ilowa

Bien que relativement petite, la bibliothèque du Lady Caraway n'en était cependant pas si mal fournie. De lourdes étagères en bois sculpté ornaient les murs tapissé de cette salle d'une quinzaine de mètres sur dix. Des gondoles montaient quasiment jusqu'au plafond, toutes regorgeant d'ouvrages divers et variés. A première vue, elle semblait être principalement une bibliothèque de loisir. Romans, recueils de poèmes et ouvrages thématiques étaient organisés avec soins sur le mobilier.

Dans un coin, une vieille femme aux cheveux blancs et aux lunettes épaisses semblait s'affairer à trier les livres en retour, donnant de temps à autre une pile de bouquins à un jeune garçon qui se hâtait de les remettre en rayon. Seul le bruit de ses pas troublait le silence de la pièce en ce début de matinée.

Quelques alcôves étaient aménagées au fond de la pièces, pour permettre un peu plus de tranquilité aux lecteurs. On en comptait d'ailleurs peu, pour ne pas dire aucun. Sans doute les gens étaient-ils trop occupés à se remettre de la soirée de la veille.

La vieille femme se contenta de relever les yeux un court instant quand Elenaa fit son entrée dans la salle.

-Bonjour, madame.

Elenaa étais déjà venue dans la bibliothèque, y passer un moment de calme, bien qu'elle admit sans peine son manque de concentration à pouvoir lire plus de deux heures d'affilée. Mais elle n'était pas là pour cela... et elle se doutait que son visage, quasi exempt de maquillage, et son air strict sur un uniforme militaire d'officier Hazat devait trancher plus que fortement avec l'air serein et presque calme affiché les jours derniers.

- J'attend quelqu'un... j'espère qu'il n'y aura aucun désagréments pour personne...

Il n'y en aura pas... reprit une voix derrière elle avant que la vieille femme ne puisse répondre.

Arborant le portail enflammé sur l'avant de sa lourde cape, Soeur Ilowa remontait lentement l'allée, les yeux fixés sur l'albinos. Un regard d'un calme olympien qui ne manquait cependant pas de faire frémir. La gérante ne demanda d'ailleurs pas son reste et se retourna vers ses tâches.

Veuillez me suivre... reprit-elle sur un ton presque doux en désignant une alcôve. Nous serons plus à l'aise pour discuter....

Elle s'en alla directement s'asseoir à l'intérieur, attendant la jeune noble.

- Je vous suis.

Elenaa retint un frémissement, mélange de dégout et de crainte, la tension du danger proche remontant son échine, comme quand on regarde un serpent venimeux de trop près, et que l'on doit estimer à quel moment il faudra projeter son bras pour en saisir la tête sans risquer la morsure.

Mais elle s'installa, calmement. Son air affecté, et son humeur gardant en soin sein l'envie grondante de colère et de vengeance ne serait finalement pas si inutiles, elle se savait d'un abord peu amène, et cela l'arrangeait sur l'instant.

L'inquisitrice baissa un instant les yeux sur ses mains, retirant doucement les gants de cuir qu'elle portait. Il ne faisait aucun doute que malgré l'apparente finesse de ceux-ci, ils devaient fournir une bonne protection, notamment en matière de chaleurs intenses. Mais contrairement à beaucoup de ses semblables, elle ne semblait visiblement porter aucune arme, chose que le retrait de sa cape confirma.

Ses atours étaient simples, dans les tons bordeau et blanc cassé, quelques signes de son ordre apparaissant ça et la. Elle semblait d'ailleurs soudainement bien plus frêle que sa cape pouvait le laisser présager, peut-être même... moins effrayante. D'une geste de la main, elle repoussa ses cheveux noirs derrière ses épaules, avant de relever les yeux sur l'albinos.

Vous avez demandé à me voir...

Eleena hocha la tête. Elle en venait parfois à regretter que son regard pourpre fut aussi désagréable pour ses interlocuteurs. Repensant un instant à Loenard, elle ne put empêcher une pensée de venir se perdre "... pas tous..."

- Oui, soeur Iloa. Parce que je ne voulais pas que ma chambre soit troublé hier par des heures de recherche, alors que j'avais un deuil à porter. Ma suivante m'était très proche. Et je vis son meurtre avec une rage et une colère sourdes.
Mais hier, je n'aurais pas supporté de vous accorder de l'attention... à vous comme à personne. Voilà pourquoi j'ai désiré vous rencontrer. Pour savoir ce qui est, selon vous, le scénario qui explique la mort d'une femme dont je pourrai répondre sur mon nom... et dont la mort implique des choses que vous connaissez mieux que moi...

Son regard vint se poser dans celui de l'albinos, pour ne plus le lacher, intense et perçant à la fois.

Eh bien... Pour commencer, Comtesse, il faut que vous sachiez que je n'ai eu que peu d'accès au corps pour le moment. Je n'ai pu que constater quelques signes qui ne trompent guère.... J'ai déjà eu l'occasion d'enquêter sur des meurtres à tendance antinomique, et certains éléments ont tendance à se reproduire régulièrement : blessures rituelles pouvant ou non entrainer la mort, saignées, sévices divers... Je n'ai que peu de doute sur le comment de ce meurtre... C'est plutot le pourquoi qui m'intéresse...

Soeur Ilowa garda un instant le silence, puis reprend.

Je ne vais pas y aller par quatre chemins Comtesse... Je pourrai sans grande difficulté faire valoir mes droits pour vous placer vous et vos suivants immédiatement sous le coup d'une enquête inquisitoriale... Votre apparence... La nature de votre compagnon et... à ce que j'ai entendu, de vos récents protégés m'en donnerait la possibilité. Cependant... Je ne suis pas certaine que l'amiral désire réellement que l'Eglise porte son regard sur ce meurtre... Je ne serais d'ailleurs pas étonnée que celui-ci soit rapidement étouffé...

Elle tourne un instant la tête vers la bibliothèque, puis repose son regard sur l'albinos, attendant sa réaction.

Elenaa rendit à la nonne son regard, celui-ci laissant passer autant de calme et de retenue qu'elle le pouvait...

- Ma soeur... J'étais sur ce navire en villégiature, sans ennemis, sans complots, sans plus de secret que la noblesse n'en porte, sans doutes avec moins qu'elle en a même l'habitude. Je mène une vie loin des affres de la cour et cela me va à ravir. J'ai donc deux options, soit m'opposer à vous en usant de l'avantage que procure ce vaisseau et son commandant à ce sujet, ou m'associer à vous, pour comprendre pourquoi on s'en est pris à ma suivante... et pourquoi une jeune enfant semble avoir vécu un drame dans le même temps, qui est sans doutes lié à l'affaire.

L'albinos laissa passer un soupire.

- Je préfère l'association. Parce qu'elle peut me mener à la vérité. Celle-ci implique que je me porte garante des personnes que je connais, et de leur honnêteté. Mon apparence est celle que la nature a choisi de me donner, une signature qui me rend différente quand on me regarde, mon coeur et mon âme ne semblent pas concernés par des agissements antinomiques, et ces idées et pratiques sont à mille lieux mêmes de ma compréhension, je me contente d'une foi aussi simple que ma vie. Quand à mon lieutenant, il a plus foi encore que je n'en ai, et cette foi le guide profondément. Vous pouvez douter de tout cela, et je n'ai aucunes preuves à fournir du contraire. Sauf celle-ci: si je vous fournis l'aide dont vous avez besoin, me fournirez-vous les réponses dont j'ai besoin? Je ne tiens pas à mettre ce vaisseau à feu et à sang. Je ne tiens pas non plus à voir les flammes y brûler. Je veux savoir qui a tué mon amie.

Soeur Ilowa acquiesça doucement à cette réponse. Puis sembla réfléchir un instant, avant de continuer.

Bien... Je suis heureuse de voir que nous suivons le même but, et que je ne m'étais visiblement pas trompée sur ce que pourrait cacher votre apparence. Je sais pertinemment que je fais office de croque-mitaine sur ce navire, mais je n'ai d'autre prétention que de protéger les âmes qui y vivent...

L'inquisitrice se recula, s'appuyant contre le dossier de sa chaise.

Cette femme était votre amie... Certes... Cependant, elle était aussi votre servante... votre « possession » comme aiment à le penser certains nobles. Par conséquent, vous êtes en droit de faire appel à un « oeil extérieur » sur l'enquête en cours, afin que vos droits soient respectés. Ce que je vous propose, c'est d'être cet oeil, afin que je puisse mener une enquête plus approfondie sur le corps... Certes, vous allez faire grincer des dents en agissant ainsi, mais cela nous permettra d'avoir une idée des forces à l'oeuvre ici.

Son air se fit un instant plus distant, songeuse, revenant à son interlocutrice.

Quant à cette jeune fille que vous avez recueillie, je serais intéressée à lui parler, si vous le permettez...

Elenaa mit un temps à répondre.

- Je n'ai jamais su avoir un regard de propriétaire sur ma servante. Elle m'a donné le sein, et fut désignée comme ma nourrice, elle a été ma confidente, et la seule autorité vis à vis de qui le respect mutuel allait de soit. Elle est des miens. Plus encore que mon lieutenant, qui a gagné mon respect comme j'ai gagné le sien. Je laisse à la noblesse le plaisir d'appeler ses servants propriétés. Le Pancréateur ne semble pas faire de différences, lui.
Je vous demande donc officiellement d'enquéter à ma demande sur le meurtre de ma servante, et je n'y mets qu'une condition: si vous devez user de méthodes violentes, et je suppose que dans une certaine mesure, vous en avez le privilège, je veux en être avertie, et avoir mon mot à dire. Il y a eu assez de morts et de violence. Si il faut tuer, je suis entrainée à cela. S'il faut torturer, je suis préparée à cela. Mais je mets un point d'honneur à ce que mon regard pèse autant que le votre sur la méthode à ce sujet.
Si cette condition est acceptable, sachez que vous aurez toute ma confiance, à défaut que je puisse vous certifier de la mienne... On ne refait pas son apparence.

Soeur Ilowa écouta attentivement la réponse d'Elenaa, et après un court instant de réflexion, reprit la parole.

Les termes me conviennent. Je vous tiendrais donc au courant de l'avancée de l'enquête, et des méthodes utilisées. Mais soyez rassurée... Je n'apprécie pas non plus l'utilisation de la violence, mais elle s'avère parfois le seul moyen... Je vais donc aller faire savoir à l'Amiral ce que vous désirez. Je pense qu'il vous demandera confirmation, mais en attendant, je vais déjà commencer mon enquête... Vous restez évidemment à ma disposition si j'ai quelques questions à vous poser dans les jours à venir ?

Alors que l'inquisitrice semblait attendre une réponse, Elenaa pu capter un mouvement furtif non loin de l'alcôve, dans la bibliothèque. Difficile de l'assurer, mais son attitude et son allure semblait laisser fortement penser à Léonard, qui, si c'était effectivement lui, devait à présent se trouver derrière une gondole non loin de la.

- je vais rester à votre disposition, et j'espère que nous trouverons rapidement une réponse. je vais bien sûr chercher de mon coté...

Elenaa laissa passer ce mouvement comme si elle ne l'avait jamais discerné, et prit congé poliement de la nonne, avant de quitter la bibliothèque en laissant le plus large champ possible à Leonard, si c'était lui, pour la rejoindre le long des allés du vaisseau, ses pas l'amenant vers les jardins...

Les coursives étaient relativement calmes ce matin, hormis quelques hommes de bord occupés au nettoyage. Elenaa fit quelques pas dans le parc, avant qu'une voix vienne l'interpeller dans son dos.

Vous ne craignez pas de jouer avec le feu, Dame...

Léonard était agenouillé sur une souche non loin de la route, et l'observait avec un air empreint d'une certaine compassion.

Elenaa se tournant fixant un moment le jeune homme, droite, clame, presque statuaire.
Le temps laissa filer les secondes, tandis que la statue se brisait lentement, et que finalement la fière Hazat albinos ne puisse retenir ses larmes, restant debout à grand peine tandis que coulait sa peine sur son visage...

Léonard descendit calmement de son perchoir, se dirigeant vers elle lentement. D'un geste délicat, il prit les mains d'Elenaa dans un geste se voulant doux et réconfortant.

Je vous présente... mes plus sincères condoléances ma Dame... Et ce n'est que peu de choses, mais... S'il m'est possible de faire quoi que ce soit pour apaiser vos larmes... je suis votre humble serviteur...

Ce qu'elle voulait trouver à cet instant était des bras où pleurer, et cesser de cacher sa douleur et sa détresse... Lénoard dut s'y attendre, car la jeune femme lacha ses mains pour venir enlacer son cou, et pleurer contre son épaule, en silence. Un droit à un abri, ce que son âme de guerrière lui hurlait de refuser, déshonneur redoutable, signe de faiblesse impardonnable, mais pour l'heure, elle pleurait, et ferait taire son honneur pour ne l'afficher à nouveau que quand elle aurait versé assez de larmes pour pleurer le deuil de Camilia.

Elle n'eut qu'un murmure...

- Vous faites tout ce dont j'ai besoin...

Je le ferai donc au mieux... répondit-il dans un murmure, ses bras se refermant doucement sur les épaules de la jeune femme, dans une étreinte tendre et réconfortante.

Elle passa un long moment ainsi, avant de lâcher enfin les épaules de Léonard, et prit sa main, pour l'entrainer, sans le regarder.

- Allons nous assoir, s'il vous plait...

Il se laissa entrainer par la jeune femme, finissant par lui désigner du doigt un petit sentier menant à une place terreuse entourée d'arbres et ornée de quelques bancs en bois. Léonard l'invita à s'asseoir, avant de faire de même, à côté d'elle, venant essuyer quelques résidus de larmes sur ses joues du bout du pouce.

Elenaa reforma de gestes polis mais sans équivoques la barrière entre elle et le saltimbanque. Peut-être plus pour se protéger elle-même que dans l'intérêt de quelque convention que ce soit. Un geste, au bon moment, de la part de Léonard, et elle aurait achevé d'être dans ses bras, et de s'y abandonner complètement. Et son âme de guerrière n'envisageait même pas une telle possibilité.

- Elle a été... assassinée, selon des méthodes... antinomiques. Une blessure rituelle faite, je n'en suis pas sûr, mais post-mortem, elle a été empoisonnée chez moi, j'ignore comment et par qui. Je ne suis pas enquêtrice. Vouloir la vérité conduit à des alliances étranges...

Elle ne le regardait pas, ses mots était plats et vides, comme siphonnés de substance. Mais comment donner des émotions à des mots froids...

Léonard n'avait visiblement pas la moindre intention de pousser plus loin ses gestes, et semblait visiblement sincèrement touché par la détresse de la jeune noble. Cependant, son regard ne se départissait pas d'un air sérieux, malgré l'empreinte de douceur qui ne le quittait pas.

Je le sais bien Dame... Je tiens seulement à vous mettre en garde... Soeur Ilowa Decados est très semblable à la flamme qui orne sa tenue... Ce feu peut-être réconfortant, vous réchauffant de son agréable chaleur... Mais comme pour un feu de camp, sachez garder vos distances avec celui-ci, sinon... Vous vous y brulerez...

D'une main, il sortit un mouchoir, qu'il tendit à la jeune femme.